Maniac

Lorsque j’étais petit, et déjà vaguement porté sur le cinéma de genre, je me souviens d’avoir regardé avec une fascination mêlée d’inquiétude l’affiche d’un film qui trôna durant plusieurs semaines à la façade du cinéma Le Vox, à Avignon, Maniac de William Lustig.
Une peinture réaliste montrait le bas du corps d’un homme debout : on voyait ses pieds, ses jambes et jusqu’au dessus du bassin. Dans sa main droite un grand couteau ensanglanté. Dans sa main gauche, le scalp d’une blonde dégoulinant de sang à ses pieds. Rajoutez à cela une bosse équivoque à côté de la braguette de son jean, et vous comprendrez l’impact de cette affiche publicitaire dans les années 80 naissantes.

Il faut dire que le film subit quelques démêlées avec la censure et resta deux ans interdit en salle, tandis que le développement de la vidéo permettait aux amateurs de sensations fortes de découvrir sur petit écran ce qui leur était interdit sur le grand.Pour ma part, il me faudrait attendre plus longtemps, quelques 25 ans, avant que les hasards du DVD pas cher me permettent de percer le mystère de cette affiche, aussi marquante que malsaine.

Si l’escalade dans le sang, la violence, le gore, n’a pas cessé depuis cette époque, Maniac reste un film extrêmement dérangeant. Pas tellement pour ses effets d’hémoglobines d’ailleurs, mais bien par son climat nocturne, suintant, crasseux, étouffant, qui fait mouche aujourd’hui encore.Au côté de Scorsese et Ferrara, grands peintres du New York interlope et paranoïaque, il faut rajouter William Lustig, réalisateur de Maniac et des deux Maniac Cop, trois films de malades qui racontent que, certes, c’est beau une ville la nuit, mais c’est un peu flippant aussi.
Mais William Lustig le reconnaît lui-même, son film n’aurait pas tant de force sans la présence de Joe Spinell dans le rôle du psychopathe. Joe Spinell, acteur au physique ingrat et au destin tragique, qui aimait les femmes et les paradis artificiels au point d’y laisser sa peau, et assuma ce rôle de monstre sanguinaire comme d’autres revendiquent Macbeth ou Le Cid.Sa performance est d’autant plus forte que le réalisateur place le spectateur dans la tête de l’assassin, nous faisant participer à ses visions déformées de la réalité.Le cinéma devient alors une expérience éprouvante, à l’exact opposé d’Amélie Poulain, une plongée au cœur des ténèbres, des abîmes les plus insondables de l’âme humaine dans ses aspects les moins acceptables, les plus monstrueux…
Les moralistes et les bien-pensants ne s’y sont pas trompés à l’époque, s’empressant d’interdire un film qui nous rapprochait de cette évidence inadmissible : les pires d’entre nous sont aussi des êtres humains.Aujourd’hui, alors que le dvd de Maniac se retrouve dans un bac de supermarché entre Arrête de ramer t’attaques la falaise et Deux enfoirés à St-Tropez, le film reste un objet sulfureux à ne pas mettre sous tous les regards. Un puissant cauchemar urbain.

Maniac de William Lustig, disponible à 4 € entre Arrête de ramer t’attaques la falaise et Deux enfoirés à St-Tropez

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