Nul n’est prophète en son pays ?…Si Jacques Audiard.

un prophete

« Un Prophète » est le nom du nouveau chef d’œuvre de Jacques Audiard, sorti dans les salles le mercredi 28 Août et qui nous démontre une fois de plus que le talent peut être un héritage, mais que surtout il se démontre par le travail.
Jacques Audiard a choisi de suivre les pas de son père; Michel Audiard, mais c’est une tache au combien difficile de succéder à un père dont les répliques planent encore dans l’inconscient collectif, rappelant ainsi à sa descendance qu’il pourrait un jour finir en orbite façon puzzle, si il ne continue pas à travailler dur.

Mais ne confondons pas les deux approches du cinéma du père et du fils. Le père, avant tout dialoguiste, étant dans le cinéma qui divertit et amuse tandis que le fils se consacre au cinéma qui souvent dénonce et conscientise le spectateur.

En pleine promotion de son précédent film « De battre, mon cœur s’est arrêté » Jacques Audiard le présente dans une prison, après cette projection pour lui le thème de son prochain film est une évidence, il traitera de l’univers carcéral. Pourquoi ? Car la prison s’est notre société en miniature, transformée par le prisme de l’échec, de la violence et de l’oubli. Cette société qui pour continuer à exister et à se préserver ferme les yeux sur la banqueroute de ses prisons, qui se réduisent à être uniquement des machines à punir, sans possibilités de réelle réinsertion.

Nous ne serons jamais ce qui amène le héros, incarné par un formidable Tahar Rahim, en prison mais nous suivrons pas à pas ce qu’elle fera de lui, toujours plus loin dans l’horreur pour la survie à tout prix.
Le héros n’aura de cesse de toujours dire:  » Je travaille pour moi, pas pour les autres » et se moquera des préjugés établis qui cantonnent par défaut chaque détenu dans sa communauté d’origine. Malik, le héros, donnera tout pour pouvoir faire son trou et trouver sa place au soleil à travers les méandres d’une administration corrompue et les turpitudes carcérales.
Les acteurs sont justes, Niels Arestrup est comme habité par son rôle de mafiosi corse et le film transpire la vérité, en n’abusant jamais de l’action pour l’action. Par ce procédé, Jacques Audiard nous permet de mieux comprendre l’ennui quotidien que ressent le taulard et nous plonge ainsi encore plus profondément dans la détresse des hallucinations éveillées de Malik, à la fois accusatrices et prophétiques.

Avec son film, Jacques Audiard autopsie notre société et prophétise une fin inéluctable de notre système carcéral.
Ce film doit être vu et apprécié comme une ultime mise en garde d’un saltimbanque militant face à notre aveugle lâcheté.

En 2003, un rapport du Comité européen de prévention de la torture, un organe du Conseil de l’Europe, avait fait état de « traitements inhumains et dégradants » dans les prisons françaises, conséquences de leur surpopulation; 82 détenus se sont suicidés dans une prison française depuis le début de l’année.